Vers une crise immobilière ? Réflexions sur les causes du ralentissement incontestable du marché immobilier luxembourgeois.

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Publié le
par christophe

Une fois n’est pas coutume, commençons cet article par une limitation de responsabilité. Les réflexions suivantes sont purement personnelles. Elles se basent sur de nombreux articles, statistiques, échanges avec confrères et débats d’experts suivis ces derniers mois mais elles n’ont pas la prétention d’être exhaustives ni de constituer la vérité ultime et ne doivent pas être utilisées comme base pour prendre des décisions financières. Il est important de préciser que personne n’a actuellement une visibilité sur l’évolution du marché immobilier, très incertain et dépendant de l’évolution des taux d’intérêts.  La vocation de cet article est surtout de donner des pistes d’explications au phénomène de « ralentissement » du marché immobilier, qui a commencé en mars 2022 dès la guerre en Ukraine et qui s’est nettement aggravé une première fois en juin/juillet et à nouveau fin octobre et décembre, après les hausses successives du taux directeur de la BCE.

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Sommaire

Les causes principales du ralentissement

Le ralentissement aussi rapide qu’important observé en 2022 résulte d’un concours de plusieurs causes, dont nous abordons ci-dessous celles qui nous semblent les plus impactantes.

•    Avant tout, l’augmentation rapide des taux d’intérêt

Le taux fixe est monté de +-1,3% en début 2022 à près de 5% en fin d’année. Les taux variables ont connu une hausse un peu moins importante, mais qui s’élève quand-même à environ 3% en moins d’un an et la progression devrait encore se poursuivre en 2023.

Cette augmentation a un impact énorme sur la capacité d’achat des acheteurs. Mais ce n’est qu’en faisant des simulations qu’on se rend compte de l’envergure réelle. Par exemple, pour emprunter 800.000 EUR sur 25 ans avec un taux fixe de 1,5% en début 2022, on devait rembourser 3.200 EUR par mois. En fin d’année, avec un taux fixe de 4,75% les mensualités sont passées à presque 4.600 EUR. C’est-à-dire 1.400 EUR par mois en plus pour le même emprunt.

Si on simule la capacité d’achat pour des mensualités égales, le résultat est encore presque plus effrayant. Imaginons qu’on a la chance d’avoir un apport personnel de 200.000 EUR et qu’on peut rembourser 3.200 EUR par mois. Début 2022, cela permettait d’emprunter 800.000 EUR et donc d’acheter un immeuble aux prix de 950.000 EUR, en tenant compte des frais d’enregistrement réduits (« bëllegen Akt »). Fin 2022, le même apport personnel et les mêmes mensualités de 3.200 EUR ne permettaient plus que d’acheter un bien à 730.000 EUR. C’est une perte de la capacité d’achat de plus de 200.000 EUR en moins d’un an.

Ces 2 exemples illustrent bien notre conviction que la hausse massive des taux d’intérêts constitue la raison principale du ralentissement du marché. Mais pas la seule…

•    Une discordance entre les prix du marché et les nouveaux taux

La flambée des prix que nous avons connue ces dernières années a abouti à un niveau de prix très élevé, qui était supportable tant qu’emprunter de l’argent ne coûtait pas grand-chose grâce à des taux d’intérêts très bas. (Nous sommes d’ailleurs persuadés que les taux d’intérêts historiquement bas sont une des causes principales de la flambée des prix connue depuis 2009).

Par contre, avec des taux élevés, la plupart des acheteurs ne peut actuellement plus se payer ce qu’ils espèrent acquérir. (Nous reviendrons sur ceci un peu plus tard.)

En résumé : des prix élevés + des taux très bas, ça passe ; mais des prix élevés + des taux élevés, ça bloque.

•    L’attentisme (et la démotivation) des investisseurs

Beaucoup d’investisseurs préfèrent maintenant attendre les « bonnes affaires », souvent même sur les conseils de leurs banquiers. La demande des investisseurs a donc nettement chuté, ce qui a un impact négatif important sur la demande. Cette chute est encore accentuée par les mesures récentes (et en gestation) du Gouvernement, qui visent à démotiver les investisseurs.

On peut certainement argumenter qu’il y a des points positifs à cela (moins de pression vers le haut sur les prix), mais comme souvent il y a aussi le revers de la médaille. Le marché est moins dynamique, les vendeurs qui doivent vendre pour une raison ou une autre n’arrivent plus aussi facilement à trouver des acquéreurs et restent donc bloqués, sans oublier que si de plus en plus de gens n’arrivent plus à financer une acquisition pour y habiter, ils seront contraints de louer… mais si les investisseurs n’investissent plus, il y aura un manque de logements en location, donc on risque une crise de logement encore plus grave. Mais ceci est un autre sujet, qui fera éventuellement l’objet d’un article à part.

•    La prudence des banques

Il est incontestablement devenu plus difficile d’obtenir des crédits bancaires. Donc même si un acheteur veut acheter, il n’est pas dit qu’il arrive à obtenir le financement. On constate en effet un accroissement sensible des refus bancaires, ce qui impacte évidemment les ventes car le tout n’est pas de trouver un acheteur, encore faut-il que celui-ci obtienne son crédit pour que la vente se fasse.

•    Une offre qui augmente

Les raisons peuvent être diverses (p.ex. peur que les prix vont baisser significativement dans les mois à venir, obligation de vendre car le propriétaire ne peut plus payer les remboursements ou le crédit-relais,…) mais le constat est unanime auprès des professionnels de l’immobilier : il n’y a jamais eu autant de nouveaux mandats que dans le dernier trimestre de 2022.

Nous pensons cependant qu’il est possible que cette tendance s’inverse à nouveau en 2023… mais malheureusement pas pour les bonnes raisons. En effet, si les propriétaires qui passent à une nouvelle « étape de vie » (p.ex. deux célibataires forment un couple, un couple a un (nouvel) enfant,…) ne peuvent plus se permettre d’acheter un nouveau bien, ils ne vont pas pouvoir vendre le leur non-plus. On risquera donc d’assister à une diminution de l’offre car les vendeurs potentiels devront simplement attendre avant de pouvoir se permettre d’acheter autre chose.

•    Un déséquilibre entre l’offre et la demande

Après des années où la demande excédait largement l’offre, la situation s’est revirée drastiquement. L’offre dépasse désormais la demande. Non pas parce que le besoin ne serait plus là, mais parce que ls acheteurs ne peuvent plus se permettre d’acheter.

Or, selon la loi de l’offre et de la demande qui est aussi vieille que le commerce même, s’il y a plus d’offre et moins de demande, les prix doivent diminuer pour que l’offre et la demande se rencontrent à nouveau.

•    L’augmentation du coût des travaux et rénovations

Le coût des travaux a explosé, ce n’est plus un scoop… Ceci a un effet double. Premièrement, le budget pour acheter un bien immobilier à rénover diminue car il faut compter un budget plus élevé pour les travaux. Deuxièmement, il est quasiment impossible d’obtenir des devis qui sont valables plus de quelques semaines. Cela effraie et freine les acheteurs mais aussi les banques, qui sont devenues très réticentes à financer d’importants travaux pour lesquels elles n’ont pas de visibilité.

•    L’augmentation générale du coût de la vie

Le chauffage, l’électricité, mais aussi l’essence, les courses au supermarché, les restaurants… tout a augmenté et diminue le pouvoir d’achat de manière générale. Donc à côté du crédit immobilier qui devient plus cher, la capacité de remboursement des acheteurs est encore réduite davantage par l’augmentation générale du coût de la vie, ce qui diminue encore plus la capacité d’emprunt.

Mais de l’autre côté…

•    Il y a toujours un manque général de logements

Le problème fondamental du marché immobilier reste inchangé : la demande en logements dépasse toujours l’offre, c’est-à-dire qu’il manque des logements pour répondre à la demande. Le « boom » actuel au niveau des locations en est le meilleur témoin. Nous ne sommes donc pas dans une situation où le marché serait fondamentalement « en danger » par un excédent de logements. Nous ne pensons donc pas qu’on puisse, au stade actuel, parler de « bulle immobilière », mais cela ne veut pas dire non-plus que les prix ne vont pas continuer à baisser dans le court (et moyen ?) terme, à cause des raisons évoquées ci-dessus.

•    De nombreuses personnes doivent déménager

La vie continue ! Même si le déménagement peut être retardé dans certaines situations comme on l’a vu plus haut, d’autres changements personnels ou familiaux vont quand-même entrainer des transactions immobilières. Par exemple, une famille qui s’agrandit pourra se débrouiller un certain temps, mais aura quand-même besoin à un moment d’une chambre en plus. Elle ne pourra pas forcément acheter la maison de leurs rêves, mais elle devra bien déménager.

•    Le marché risque de reprendre de plus belle. Il ne faut donc pas non-plus être trop pessimiste… ou rater le bon moment d’acheter. 

Les derniers chiffres indiquent une baisse de plus d’un tiers des autorisations de bâtir en 2023 par rapport à 2022. C’est une bombe à retardement dans un marché qui ne compte déjà pas assez de logements. Dès que les taux vont baisser, on risque donc d’avoir une nouvelle flambée des prix, comme on l’a aussi vu après la crise financière de 2008. L’investissement dans la pierre reste donc à nos yeux un bon choix, que ce soit pour son propre logement ou comme investissement.

Conclusions 

Le besoin de déménager et la volonté d’acheter restent manifestement présents. Sauf si nous entrons dans une récession prolongée avec des effets économiques dévastateurs, la demande en logements excédera encore longtemps l’offre. Mais les causes citées en première partie de l’article rendent le marché actuellement très difficile.

Mon avis personnel est qu’il y a deux issues possibles à cette situation de blocage.

Premièrement, une baisse sensible des taux d’intérêts. Ce serait l’alternative « de rêve » car non-seulement cela permettrait de nouveau aux acheteurs de contracter des prêts, mais cela voudrait aussi dire que l’inflation sera maîtrisée et donc que les coûts de construction et de rénovations se stabilisent.

Mais comme souvent, il ne faut pas trop espérer que les rêves deviennent réalité.

La deuxième issue, plus probable à court terme, serait à notre avis une interaction de 3 phénomènes qui, ensemble, pourraient contribuer à « relancer » le marché :

1.    Un rééquilibrage des prix : on voit déjà que les prix de vente réels diminuent et cette tendance risque encore de continuer. Au plus les prix diminuent, au plus les crédits deviendront de nouveau accessibles. On peut aussi se poser la question si un « réajustement » de 10, 15 ou même 20% serait vraiment grave ? Psychologiquement évidemment oui, mais on reviendrait alors approximativement au niveau des prix de 2020, ce qui ne semble pas dramatique… en tout cas pour les propriétaires qui ont acheté avant 2018 et qui réalisent toujours une belle plus-value.

2.    Une visibilité sur l’évolution des taux variables : actuellement, de nombreux acheteurs ne peuvent plus se permettre de prendre un taux fixe mais ont peur de s’engager sur un taux variable car on ne sait pas jusqu’où il pourra monter. Dès qu’on aura une meilleure prévisibilité sur les taux, les acheteurs pourront se lancer avec un taux variable pour basculer éventuellement par la suite sur un taux fixe.

3.    Un réajustement des « attentes de rêve » : la nouvelle réalité (prix qui restent malgré tout encore élevés + taux d’intérêts élevés) signifie que les acheteurs devront se résigner à revoir leurs attentes vers le bas. C’est à notre avis incontournable. Pour avancer, les acquéreurs devront à un certain moment accepter d’avoir une chambre ou quelques ares en moins, une maison un peu moins moderne etc. Mais ce changement d’état d’esprit ne se fait pas en 3 mois. L’humain a besoin d’un peu de temps pour accepter une nouvelle réalité qui ne correspond pas à ce qu’il avait imaginé. Mais à terme il s’y fera.

Faut-il alors vendre ou attendre ?

Personne ne peut donner la réponse exacte et universelle à cette question.

Il y a d’un côté trop d’inconnues (à quel degré la situation va devenir encore plus difficile avant de s’améliorer et combien de temps cela va prendre ?) et de l’autre côté des appréciations personnelles subjectives (p.ex. une famille qui s’agrandit a besoin de plus d’espace ; des héritiers ne veulent peut-être pas rester en indivision ou investir dans un bien hérité pour pouvoir le donner en location ; si le bien était la résidence principale il faut vendre pour éviter d’être imposé sur la plus-value…).

Mon avis, à nouveau très personnel, est que si on peut se donner un horizon de 3 à 5 ans, il vaut peut-être mieux attendre et lancer la vente dès que le marché aura repris et récupéré ses pertes. En attendant, on continue à habiter l’immeuble même si ce n’est pas 100% idéal ou, si c’est un bien d’investissement, on le redonne en location.

Mais si on est contraint de vendre assez rapidement (p.ex. divorce, héritage où les héritiers ne veulent pas rester en indivision, coût de rénovations qui deviendraient trop chers, besoin d’argent, impossibilité de couvrir les remboursements…) ou qu’on ne veut pas risquer les désavantages potentiels d’une location, alors il vaut mieux commencer la vente rapidement car on n’a aucune vue sur comment la situation risque encore de se détériorer avant de s’améliorer.

Mais si on se décide à vendre, il faut le faire avec un prix réaliste et adapté aux nouvelles conditions du marché et il faut s’attendre à un cycle de vente plus long que ce ces dernières années.

 

Contact

J’espère que ces réflexions personnelles vous permettent d’avancer dans les vôtres. Et si vous voulez en parler de vive voix, n’hésitez pas à nous contacter au 585 506.

Nous essayerons de comprendre au mieux votre situation et de vous conseiller objectivement, même si cela veut dire que vous attendrez encore avec la mise en vente.

Marc Neuen

Marc Neuen

Marc Neuen est le fondateur de Homexperts, une entreprise née de sa vision d'apporter transparence et confiance dans le marché immobilier luxembourgeois.

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